La startup Bevouac a analysé les notes des DPE délivrés depuis le 1er juillet 2021, date de la mise en place du « nouveau DPE », issu de la loi « Climat et Résilience ». On observe, à partir de mai 2022, une chute du nombre de DPE de classes « E », « F » et « G ». Quelles explications donner à ce phénomène ?
Avec la hausse des contraintes réglementaires liées aux lois Climat & Résilience, le nombre de DPE réalisés depuis juillet 2021 est en constante augmentation.
Il y a une saisonnalité pour les DPE. En 2021, comme en 2022, août est le mois de l’année où le volume de diagnostics réalisés est le plus faible. Rien de surprenant, car la réalisation d’un DPE est requise lors de la mise en vente ou en location d’un logement. « Celles-ci sont soit prévues en amont, en juin-juillet, lors de la période d’installation des étudiants, soit après au retour des vacances d’été. À l’inverse, il y a beaucoup de DPE effectués au printemps, période propice aux mouvements sur le marché immobilier », analyse Martin Menez, président de Bevouac.
Un scénario identique s’observe durant les vacances de fin d’année, le marché se mettant en mode « pause » pendant la trêve des confiseurs…
Sur l’année 2022, le volume de diagnostics « A », « B » ou « C » réalisés semble suivre un rythme normal, avec sa saisonnalité estivale. On constate toutefois une légère décrue des notes « D » par rapport à 2021.
En revanche, à compter de mai 2022, le volume de diagnostics affichant des classes DPE « E », « F » ou « G » chute drastiquement. Comment expliquer ce phénomène ?
Cette baisse du nombre de DPE « E », « F » ou « G » ne reflète-t-elle pas le ralentissement du marché de l’immobilier consécutif à la remontée des taux ? C’est peu probable, car la conjoncture aurait eu pour conséquence une baisse homogène sur tous les types de biens, qu’ils soient notés « A » ou « G ».
Autre possibilité, à l’annonce des prochaines mesures d’interdiction des mises en location des passoires thermiques, leurs propriétaires ont-ils décidé de les garder et de ne les mettre ni en vente ni en location ? Cette deuxième hypothèse est plausible. Au cours du deuxième semestre 2022, en effet, de nombreux articles évoquant la perte de valeur des passoires énergétiques et la mise en place progressive de mesures coercitives pour leur location (gel des loyers des biens classés F et G en août 2022 et interdiction de louer les biens notés « G+ » en janvier 2023), ont sûrement eu un impact. Les propriétaires bailleurs détenant des passoires thermiques ont entrepris des travaux de rénovation, ce qui a repoussé la réalisation du DPE et la mise en location du bien. Du côté des propriétaires occupants, ceux qui envisageaient de vendre leur bien ont pu différer leur projet face à la baisse des prix, d’autant plus sensible pour les logements dotés d’une mauvaise étiquette énergie.
Certains diagnostiqueurs immobiliers pourraient avoir arrêter de délivrer des DPE avec de mauvaises classes énergétiques, par complaisance envers les propriétaires ? Concernant cette 3e et dernière hypothèse, « il est intéressant de relever qu’en mai 2022, l’Etat a validé les logiciels mis à la disposition des diagnostiqueurs. Dans la précipitation, et face à l’urgence du calendrier, il y a eu une mauvaise appropriation des outils fournis aux diagnostiqueurs par l’administration. Tous n’ont pas été en mesure d'appréhender ce nouveau dispositif et d’acquérir les bons gestes applicables à cette nouvelle méthode », rappelle Martin Menez.
A la même période, la revue 60 millions de consommateurs avait publié un nouveau comparatif d’erreurs encore trop nombreuses. Le magazine, par exemple, avait relevé que pour une même maison, les cinq diagnostiqueurs qui étaient intervenus n’aboutissaient pas au même résultat. Avec des écarts d’au moins deux classes, voire trois pour les moins bonnes étiquettes. Une analyse qui avait alimenté les doutes de l’opinion publique quant à l’objectivité du diagnostic et à la méthodologie des professionnels ; alors même que les articles pointant les limites du DPE s’enchaînaient.
En conclusion, en plus du ralentissement général du marché, causé notamment par l’attentisme des propriétaires occupants et la réalisation de travaux par les bailleurs, la mauvaise utilisation, voulue ou non, des outils de diagnostic énergétique s’est traduite par une chute conséquente du nombre de « mauvais » DPE délivrés.